
Le 22 janvier, le maire de Quetigny invitait, salle de la Manivelle à la Parenthèse, les habitants des quartiers Atrias, Vieux village et Centre-ville à une réunion sur l’aménagement du terrain de l’ancienne ENITA (École Nationale d’Ingénieurs des Travaux Agricoles), cédé au premier groupe mondial de l’Enseignement du Management de l’Hôtellerie-Tourisme : Vatel...
S’y sont exprimés Rémi Hillaire, président de la S.A.R.L. Partim (représentant Vatel), Luc Lemarchand, architecte du projet, et Stefen Rul, directeur du développement d’Océanis - promotion immobilière.
La présentation du projet par l’architecte a montré un réel souci de respecter l’héritage urbanistique de Quetigny et nos préoccupations d’aujourd’hui :
- utilisation de la pâte de verre de couleur, chère à l’architecte paysagiste et plasticien Bernard Lassus, et qui respecte l’identité de notre ville
- prise en compte des impératifs écologiques : nombreux arbres (dont la rangée de peupliers, conservée côté est), pas de gazon ras, végétation variée, tenant compte du réchauffement climatique, toitures végétalisées, revêtements de sols extérieurs poreux et drainants
- souci de l’harmonie des volumes (décrochements, voies pénétrantes séparées pour piétons et voitures)
- volonté de limiter les problèmes de circulation (soulignés par des personnes du quartier présentes à la réunion) grâce à une double entrée (côté avenue du 8 mai et côté boulevard Olivier de Serres).
Nous sommes beaucoup plus réservés sur la pertinence pédagogique, économique et sociale du projet, contrairement aux représentant·e·s de la majorité municipale, venu·e·s en nombre et qui n’ont certes pas été avares d’applaudissements (un conseiller municipal de la liste de droite de Monsieur Kencker a, lui aussi, exprimé sa satisfaction)...
Lorsque nous avons regretté à nouveau que la vente du terrain, après de coûteux travaux (de désamiantage et de déconstruction) payés par la commune (avec une aide du « fonds vert » des ministères de l’Aménagement du Territoire et de la Transition écologique) se fasse au bénéfice d’une entreprise privée et non d’un service public, le maire a répété qu’il n’aurait pas été contre un investissement de l’État, mais que celui-ci n’a rien proposé...
Vatel ouvrira un hôtel d’application 4 étoiles de 50 chambres et un restaurant pédagogique (si nous avons bien compris, un « food court », aire de restauration proposant plusieurs types de plats que l’on va retirer à différents comptoirs avec un plateau), et Vatel s’engage à ne pas faire de concurrence déloyale aux artisans et hôteliers de la ville.
Sur les 30 millions d’euros d’investissement, les deux tiers sont à la charge de Vatel. Une partie du terrain (côté sud-est) est réservée à des logements (ce qui permet d’alléger les dépenses de la commune). La première rentrée est prévue en septembre 2027, pour 150 élèves sortant du collège, et il devrait y en avoir 450 en 2030.
À certaines questions des riverains sur les risques de prolifération automobile dans un quartier déjà engorgé, les intervenants ont répondu (sans toujours convaincre) qu’« entre 16 et 20 ans on n’a pas de voiture », et que le tram a été un élément déterminant du choix du site par Vatel.
Au cœur des débats, Monsieur Hillaire s’est longuement exprimé, avec enthousiasme et une indéniable force de persuasion, sur l’apport de ce « campus » à notre ville. Il a souligné que le site quetignois était le principal — et donc celui de Dijon (rue Sully, dédié à des formations de reconversion pour un public de 20 à 40 ans), secondaire ? —, que l’identité de Vatel était forte, avec un uniforme pour les élèves, qui « portent fièrement le titre de Vatéliens » — pour les comparer aux polytechniciens, aux centraliens, aux normaliens ? —, et qu’étudier à Vatel « les formera à l’excellence ». Une brochure en papier glacé circulait dans le public, présentant de jeunes étudiant·e·s de Vatel, souriant·e·s et bien propres sur elles-et-eux, à travers le monde (Los Angeles, Buenos Aires, Abidjan, Moscou, Singapour...), censé·e·s contribuer au rayonnement de Vatel et de la France...
Nous avons posé quelques questions, dont une sur le coût des études. Il nous a été répondu qu’elles seraient gratuites pour les "Vatéliens", car financées par les « partenaires » de Vatel... Un peu interloqué·e·s par cette sidérante philanthropie, nous avons finalement compris ce qui ne nous a jamais été dit clairement dans cette séance de "public relations"... Il y a deux sortes d’écoles Vatel :
- les "Vatel Business Schools", qui forment des managers (niveau Bachelor et MBA) dans 54 écoles de 31 pays, avec des frais d'inscription très élevés. En France, ces écoles proposent aussi des formations en alternance qui permettent de rémunérer les étudiants. Ce sont ces écoles qui jouiraient de l'excellente réputation dont Vatel se vante *.
- les "Vatel Academies" comme la « nôtre » (présentée par les intervenants comme « le 55ème campus », qui formera des employés (cuisiniers, serveurs, pâtissiers...), dont la première vient d'ouvrir à Lyon (en septembre 2024), et dont les revenus sont assurés par les organismes de formation professionnelle, les OPCO (« opérateurs de compétences ») ; ceux-ci récoltent les cotisations obligatoires des entreprises pour la formation professionnelle. L’École Vatel, sur Quetigny, sera donc un des CFA privés (centre de formation des apprentis) du niveau du secondaire dont la rentabilité est la plus forte : 19,3 % en 2021 en moyenne (rapport de France Compétences).
Vatel Quetigny gagnera donc sur tous les tableaux : un terrain très peu cher (1, 57 million d'€ H.T. pour une surface de 16 012 m2), un aménagement de plus de 1,7 million d'€ gratuit (car financé par la Commune) et un taux de rentabilité élevé. En matière de défense de l’enseignement public et de gestion des finances communales, on peut faire mieux !
Le flou a été entretenu tout au long de la soirée... C’est dommage, car Vatel n'a aucune expérience dans ce type de formation ! Pour ce qui est du niveau d’études, une comparaison pertinente serait, non pas le Bachelor « hôtellerie et tourisme » de l’école Vatel de Paris (XVIIème) par exemple, mais le centre AFPA de Chevigny-Saint-Sauveur, ce qui n’a évidemment rien de déshonorant, mais qui aurait dû être précisé d’emblée !
Souhaitons, en tout cas, que les futurs élèves de Vatel-Quetigny bénéficient d’un enseignement de qualité, et que le souvenir du grand et prestigieux François Vatel, pâtissier-traiteur, intendant et maître d’hôtel du Grand Condé au château de Vaux-le-Vicomte, les inspire... sans toutefois pousser la passion de leur métier jusqu’à l’imiter, puisque cet illustre éponyme est surtout connu pour s’être fait une sorte de hara-kiri (à la mode du Grand Siècle, avec une épée), se jugeant déshonoré : sa commande de poisson pour des centaines de convives au déjeuner du 24 avril 1671 n'était pas arrivée à l'heure prévue !
* N’oublions pas, cependant, qu’elles ont été « épinglées » par la presse à plusieurs reprises. Ainsi, Mediacités a révélé que les étudiant·e·s sont « exploité·e·s » par Vatel : soumis·es à des droits d’inscription très élevés, iels sont formé·e·s certes par des enseignants, mais aussi par des élèves des classes supérieures, censé·e·s « transmettre » leur savoir récemment acquis, et travaillent dans les établissements du groupe (une semaine sur deux) sans être rémunérés, alors que le coût de la formation est déjà très élevé !
Et une publication à laquelle nous faisons rarement référence, le Figaro–étudiant (!) nous apprend qu’en mars 2023, sur le site de Paris, les étudiants en troisième année de management hôtelier ont refusé d'assister au cours de cuisine, dénonçant les comportements de certains professeurs s'apparentant à du « harcèlement sexuel et moral »... Vatel n'est pas un Empire mirifique !
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