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Pierre Stambul, coprésident et porte-parole de l'Union Juive Française pour la Paix et membre du collectif Palestine en Résistance, se rend régulièrement à Gaza depuis des dizaines d'années. Le 7 octobre 2023, il était à Rafah, en attente de son laissez-passer pour Gaza, quand la branche militaire du Hamas et autres milices alliées ont lancé leur attaque dans le sud d'Israël en effectuant plusieurs percées dans la "barrière de sécurité" qui sépare le territoire israélien de l'enclave palestinienne sous blocus depuis 17 ans. Dès les premières semaines, il a dénoncé le génocide en cours de l'État d'Israël et l'instrumentalisation de l'antisémitisme par les Occidentaux contre le peuple palestinien. Il est l'auteur de  Du projet sioniste au génocide, éditions Acratie (voir ci-dessous).

Il a participé le 5 avril à la Bourse du Travail de Dijon, avec Sarah Katz, militante anti-sioniste qui a combattu le blocus imposé par Israël,  à une rencontre-débat intitulée : de destructions en espoirs, Palestine vivra.

 

Comment vois-tu le court terme (les prochaines semaines) à Gaza et en Cisjordanie occupée ?

 

Dès l'arrivée des premiers colons sionistes en Palestine aux alentours de 1900, le but était clair : occuper le maximum de terres avec le minimum d'Arabes. Ce colonialisme de remplacement avait pour modèle ce que les colons européens ont fait en Amérique du Nord ou en Australie avec le peuple indigène : expulser, enfermer dans des réserves, tuer, bref rendre les autochtones minoritaires et  incapables de réclamer leurs droits.

 

Mais en Palestine, le principal obstacle à ce projet a toujours été la démographie. En 1948, les Palestiniens représentaient plus de 60 % de la population. La grande majorité d'entre eux ont été expulsés et les autres sont devenus les sous-citoyens d'un « État juif ». Aujourd'hui, les Palestiniens représentent 50 % de la population entre Mer et Jourdain. Ils sont fragmentés, soumis à divers statuts de domination et le rapport de force militaire est totalement en faveur d'Israël. Mais ils sont chez eux, dans leur droit — comme on crie dans les manifs —, et ils résistent.

Avec l'arrivée de Trump au pouvoir et son projet de Riviera, les fous messianiques dévoyés qui dirigent Israël pensent qu'ils peuvent rééditer, à Gaza d'abord, puis en Cisjordanie, ce qu'ils ont fait en 1948 : vider largement la Palestine de sa population indigène.

Seulement voilà : Trump demande, en quelque sorte, à ses alliés à la tête des pays arabes de se suicider politiquement. La dictature égyptienne se souvient de l'assassinat de Sadate ou des manifestations populaires après le 7 octobre. Sissi, le président égyptien, a clairement dit non au projet Trump-Nétanyahou. En Jordanie, le roi s'appuie sur la minorité bédouine face à la majorité palestinienne. Le projet des génocidaires risquerait de faire éclater le pays.

Et puis, dès la trêve de janvier, les Gazaouis sont partis vers les ruines de leurs maisons, pas vers la frontière égyptienne...

 

Je pense donc qu'il y aura encore beaucoup de morts et de souffrances à Gaza comme en Cisjordanie, mais que le plan de Trump et de Netanyahou de déportation massive échouera.

 

À l’évidence, le processus d’Oslo, préambule à la création d’un État palestinien, est mort et enterré. Quelle(s) « solution(s) » désormais pour les Palestiniens, en tant qu’individus, et en tant que peuple ?

Deux États, c'est clairement impossible. Il y a 900 000 colons armés et pour la plupart fanatisés. Et ce n'est pas non plus souhaitable. Le peuple palestinien est un peuple de réfugiés. Toute « solution » qui les ignore et qui ignore la résolution 194 de l'ONU (qui grave dans le marbre le droit au retour) est tout sauf une solution. Oslo a été une gigantesque illusion où la seule chose qui ait été signée, c'est la « coopération sécuritaire », c’est à dire l'obligation pour l'occupé d'assurer la sécurité de l'occupant !  Il faut donc considérer qu'il n'y aura pas d’État palestinien et en finir avec «  la solution à deux États » devenue, au fil des années, un leurre pour la passivité.

Un seul État laïque et démocratique, c'est le plus juste, mais c'est hélas devenu utopique. Et il faut souhaiter que le projet d’expulsion / déportation des génocidaires soit tout aussi "utopique" qu'irréaliste.

Alors ? Utopie pour utopie, il faut exiger que les principes du droit international soient appliqués aux Palestiniens. Ce droit, ce n'est pas le nettoyage ethnique ou l’apartheid. Le droit international, ce sont les textes de 1789 et de 1948. Pour la Palestine, c'est :
  1)  la liberté, c'est-à-dire, la fin de l'occupation et de la colonisation, la libération des prisonniers, la destruction du mur et la fin du blocus de Gaza ;
  2)  l'égalité des droits pour tous les habitants de la région ;
  3)  la justice : retour des réfugiés palestiniens et jugement des criminels de guerre.

 

À l'heure où Trump-Nétanyahou veulent détruire le droit international, le défendre bec et ongles est fondamental. Et il faut s'y accrocher !

Depuis quelques années, l’UJFP se déclare « officiellement » antisioniste. Peux-tu nous dire le pourquoi de cette évolution et ses conséquences politiques ici et « là-bas » ?

L' UJFP a souvent « eu tort d'avoir raison trop tôt ». Elle a défendu le fait qu'Israël était un État d'apartheid, qu'il fallait le boycotter totalement, ou que l'Autorité palestinienne ne représentait pas les Palestiniens, bien avant que ce soit admis dans la quasi-totalité du mouvement de solidarité.

À la base du crime commis depuis des décennies contre le peuple palestinien, il y a une idéologie : le sionisme. C'est une théorie de la séparation qui a décrété que Juifs et non Juifs ne peuvent pas vivre ensemble. C'est un roman national meurtrier qui a inventé la théorie de l'exil et du retour des Juifs. C'est un colonialisme de remplacement. C'est un nationalisme qui a inventé le peuple juif, ressuscité une langue morte, pris la Bible pour un livre de conquête coloniale et la "terre sainte" pour un cadastre : cela a abouti à la volonté politique de création d'un État ethniquement pur, l'État-nation du peuple juif (2018). C'est cette idéologie, le sionisme, qui a prémédité et réalisé un nettoyage ethnique majeur. Il n'y aura donc pas de paix juste avec le sionisme.​​

En se revendiquant de l’antisionisme juif, l'UJFP renoue avec la période historique où la grande majorité des Juifs pensaient que leur émancipation comme minorité opprimée passait par celle de l'Humanité. Le judaïsme, qu'il soit laïque ou religieux, n'a jamais été « territorialiste ». Un « État juif et démocratique » est une impossibilité, un oxymore. On voit tous les jours que le sionisme a abouti au fascisme. Un État ethniquement pur, c'est un État d'apartheid, c'est contraire au droit international et c'est la négation de toutes les identités juives.

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