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La naissance de Vénus  (Botticelli)

[avec la participation de Zoé]

Zoé et Melchior
dans le grand bain

 

Au bord de la Mirande, joyau et tonneau des Danaïdes de notre commune, en cette chaude matinée de juin, Zoé notre petit chat et Melchior son complice le sage hibou devisaient gaiement avec leurs hôtes et convives, Vulcain, Belle-Dame, Paon-du-jour, Citron, et Robert le Diable. Tous appréciaient ces moments d’échanges amicaux qui leur permettaient de traiter — parfois avec humour, parfois avec gravité, mais toujours en faisant preuve de bienveillance — les sujets les plus variés, tous se délectant des mots et des mets d’esprit de chacun.

Soudain, tout essoufflée, en nage, les rejoignit Francine, la vaillante secrétaire de «  Quetigny environnement »… Que se passait-il donc ? Une catastrophe au CEA de Valduc ? Un raz-de marée-électoral ? Un tsunami de prix ? Un record caniculaire Place Centrale ? Une fois désaltérée, elle leur expliqua qu’ils avaient reçu une invitation pour participer à la Conférence des Nations Unies sur l’Océan à Nice du 9 au 13 juin. Hélas, aucun membre de l’association n’était disponible, tous devant honorer des engagements liés à d’autres actions prévues depuis longtemps… Que faire ? Zoé et Melchior proposèrent alors de s’y rendre.

Il est vrai qu’ils étaient estimés localement comme étant de zélés défenseurs de la biodiversité et, au-delà du Cromois, comme de fins connaisseurs des écosystèmes à travers le monde. Mais, surtout, ils s’appliquaient à favoriser — à l’exemple de leur maître Plutarque*, ce philosophe grec de l’Antiquité adepte du végétarisme qui considérait les animaux comme des êtres relationnels dignes de respect — un climat de dialogue et d’échange en toutes circonstances avec tout organisme vivant. Alors, pourquoi ne pas se rendre à l’UNOC-3 ? Laissant leurs commensaux papillons à leurs débats (et même à leurs ébats), ils se mirent en route sur-le- champ. Il ne leur fallut que quelques jours, ou plutôt que quelques nuits, longeant les rivières et les fleuves, passant d’un cours d’eau à l’autre, d’un ponton à l’autre, d’une berge à l’autre, d’un embarcadère à l’autre, pour enfin arriver à Marseille, cité de la diversité et porte ouverte sur la Méditerranée. Leur seul regret ? Ne pas avoir eu le temps de visiter le musée des Confluences à Lyon... une autre fois ! Tout en se souvenant que 317 communes françaises sont menacées par l’érosion côtière, il fallait garder le cap contre vents et marées. Nice n’était qu’à quelques encablures…

11 juin 2025, enfin le grand jour ! Atmosphère surréaliste, 5 000 forces de l’ordre pour 2 000 chercheurs… parmi lesquels Pascale Joannot, présidente du  Conseil scientifique de la Fondation de la mer, Sabine Roux de Bézieux, présidente de l’ Association française pour la mer, que Zoé et Melchior avaient déjà côtoyées. Invités à prendre pied sur la passerelle du vaisseau amiral de Greenpeace, le Rainbow Warrior III, (« guerrier de l’arc en ciel » selon une légende amérindienne), ils purent contempler la flottille des grands (?) de ce monde. Ressac de la mémoire, le cri des mouettes rendait toujours présent l’attentat terroriste de l’État français qui, le 10 juillet 1985 fit couler le premier Rainbow Warrior, causant le décès du photographe Fernando Pereira, dans le port d’Auckland, pour préserver le vrai-faux secret des retombées nucléaires sur l’atoll de Moruroa, dans le Pacifique… Uranium, quand tu nous tiens…

Melchior prit la parole en premier. En préambule, il demanda à l’assistance de hisser les couleurs pour honorer la mémoire du fondateur des BEACH BOYS, du créateur de la société d’édition musicale SEA OF TUNES, du bassiste, compositeur et chanteur génial, Monsieur Brian WILSON, décédé ce jour à 82 ans … Respect ! Émus, quelques-uns des participants se mirent à fredonner California Girls

Puis Zoé se dirigea vers le micro pour apporter avec sa hauteur de vue habituelle, son charisme naturel, et toute la rigueur intellectuelle nécessaire [ce qui n’empêche pas la malice selon plusieurs médias], sa modeste contribution, s’appuyant cependant sur une érudition et une documentation remarquables.

Voici, avec son aimable autorisation, les notes dont il s’inspira pour son propos liminaire, improvisant au fil de l’eau un discours qui embarqua toute l’assemblée loin des récifs de l’ignorance du doute et du déni. Les faits, rien que les faits… pour ne plus nager en eau trouble…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

​​Cependant, Melchior était surtout présent pour ne pas céder au déclinisme, au défaitisme, mais pour que chacun sorte la tête de l’eau en faisant entendre à ceux qui nous gouvernent la voix de la raison, en les invitant à trouver enfin la réponse à la question qui entraîne vers le fond l’humanité depuis la naissance de Vénus …

Pourquoi lave-t-on mieux le linge dans l’eau douce que dans l’eau de mer ?

Un soir que nous étions invités à souper chez Mestrius Florus, Théon, le grammairien, demanda au stoïcien Thémistocle pourquoi Chrysippe avait si souvent fait état de phénomènes surprenants ou extraordinaires : ainsi du poisson salé qui s’adoucit dans la saumure, de la laine cardée qui s’embrouille quand on en tire les fils avec de la force mais se démêle quand on le tire doucement, du fait qu’on mange avec moins d’appétit après un jeûne qu’après avoir déjà avalé quelque chose, etc. Il lui demanda surtout pourquoi le même Chrysippe posait ces problèmes sans jamais leur apporter de solution.

Thémistocle répondit que Chrysippe ne cherchait qu’à nous proposer des exemples, afin de nous montrer que nous sommes enclins à accepter à la légère ce qui nous semble vraisemblable , sans prendre assez en considération ce qui ne l’est pas ; puis, toujours tourné vers Théon, il poursuivit :

« Et toi, mon cher, pourquoi te poser ces questions ? Peut-être veux-tu les résoudre pour notre gouverne ; mais si tu es si friand de spéculations, ne t’égare pas trop loin de ce que tu connais et dis-nous donc pourquoi Homère envoie Nausicaa laver son linge dans le fleuve et non dans la mer, bien que celle-ci soit proche et que son eau soit plus chaude, plus limpide et donc, a priori, meilleure pour la lessive. »

Théon répondit : « C’est une question qu’Aristote a résolue depuis des siècles par sa théorie des principes terreux. Dans l’eau de mer se trouvent en suspension des éléments terreux et grossiers, et c’est justement ce qui la rend salée. C’est aussi pour cela qu’elle soutient mieux les nageurs et porte des poids plus lourds que l’eau douce, qui les laisse s’enfoncer parce qu’elle n’est ni assez dense, ni assez ferme. L’eau douce est pure et sans mélange, sa subtilité lui permet de s’infiltrer et de passer entre les fibres du linge, si bien qu’elle ôte les taches mieux que l’eau de mer. Alors, Thémistocle, ne la trouves-tu pas vraisemblable, mon explication aristotélicienne ? »

J’intervins : « Vraisemblable, oui. Mais certainement pas vraie. Je vois au contraire que les lavandières utilisent de la cendre, de la soude et même, à défaut, de la poussière pour rendre l’eau plus épaisse. Ce sont des corps terreux dont les aspérités sont propres à entraîner la saleté, alors que l’eau pure est trop légère et trop fluide pour le faire aussi efficacement. Donc, ce n’est pas l’épaisseur de l’eau de mer qui qui la rend mauvaise pour la lessive. Sans compter qu’elle possède une qualité : sa causticité, qui dilate les pores à la surface des étoffes et aide à chasser la saleté. En revanche, tout ce qui est gras est difficile à laver et laisse des taches. Or l’eau de mer est grasse, et c’est certainement pour cette raison qu’elle ne lave pas bien. Aristote le dit, qu’elle est grasse. C’est parce que les sels contiennent de la graisse ; d’ailleurs, quand on en met dans les lampes, elles brûlent mieux, et si on jette de l’eau de mer sur les flammes, elle brille. De toutes les eaux, c’est celle qui brûle le mieux. À mon avis, c’est aussi sans doute pour cela qu’elle est plus chaude. Mais il y a peut-être encore une autre explication : à la fin, il faut sécher le linge et, plus vite il sèche, plus c’est le signe qu’il est bien nettoyé. Il faut donc que l’eau du lavage parte avec la saleté, comme l’ellébore s’en va avec les humeurs malsaines qu’elle évacue. Or le soleil fait s’évaporer plus facilement l’eau douce en raison de sa légèreté, alors que l’eau salée, retenue dans les pores du tissu par les aspérités qu’elle contient, sèche plus difficilement. »

 

— Tu te trompes, protesta Théon. Car Aristote soutient dans le même livre qu’en se mettant au soleil, on sèche plus vite après un bain de mer qu’après un bain de rivière.

 

— Soit, il le dit. Mais j’aurais pensé que tu citerais plutôt Homère, qui soutient justement le contraire. Car au moment où Ulysse naufragé parait devant Nausicaa, l’Odyssée le décrit comme « effrayant à regarder » et « tout souillé par l’eau salée ». Et que dit-il aux suivantes de la princesse ? « Servantes, éloignez-vous de moi ! Je saurai bien tout seul laver mon dos de cette écume ». Puis, descendu dans le fleuve, « de sa tête il fait tomber le dépôt salé ». Le poète a parfaitement compris ce qui se passe : quand on s’expose au soleil en sortant de la mer, la chaleur fait s’évaporer la partie subtile et légère de l’eau, tandis que l’élément salin, à cause de ses aspérités, reste accroché à la surface du corps et y forme une croûte de sel, jusqu’à ce qu’on l’ait lavé avec de l’eau potable et douce ».

Plutarque (44-125) - Propos de table           

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Post-scriptum : le vendredi 13 juin, le préfet de la Côte-d'Or a placé le département en vigilance sécheresse.

N.D.L.R. : Si, à l'exemple de Zoé et Melchior, vous désirez vous plonger dans la lecture d'autres textes de Plutarque, gages de malice et de sagesse pendant vos vacances, nous vous conseillons : De l'excellence des femmes, L'ami véritable, L'intelligence des animaux, La conscience tranquille,  Erotikos,  Le vice et la vertu.

NOTA BENE : "Le ciel n'est bleu que par convention, mais rouge en réalité".  Giacometti

H 2 O C Q F D

A) Les ressources :

97,5 % de l’eau sur terre est salée

2,5 % est dite douce (38 % lacs, rivières, glaciers ; 62 % nappes phréatiques)

10% des pays se partagent 60 % des précipitations : cf. les guerres de l’eau…

 

B) La consommation collective mondiale :

agriculture : 45 % / eau potable : 20 % / refroidissement des centrales : 30 % / industrie : 5 %.

 

C) La consommation individuelle pour un « civilisé » :

 

En moyenne, 148 litres par jour et par personne :

92 % pour l'hygiène, le nettoyage - 7 % pour l'alimentation (lavage légumes) - 1 % pour la boisson

douche 60/80 litres / lave-linge 40-70 litres / lave-vaisselle 10/20 litres / chasse d’eau 3/6 litres

Plutarque
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Rhône
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