Les retraités,
des privilégiés ?
Dans le chaos politique que nous traversons, une petite musique se fait entendre à droite... « Les retraités coûtent cher », « il faudra bien allonger la durée du travail jusqu’à 65 ans », « les anciens peuvent bien accepter une baisse de leurs pensions en ces temps d’austérité », « les pensions de réversion sont un privilège »...
Pourtant, près de 200 retraité·e·s, rassemblé·e·s le 3 décembre devant la préfecture de Côte-d’Or, ont jugé utile de montrer leur désaccord avec ces discours convenus. Ils ont chaleureusement applaudi les déclarations de Daniel Noirot (de l’Union Syndicale des Retraités CGT) et de Philippe Choulot (de la Fédération Générale des Retraités de Côte d’Or), qui, avant d'être reçus en délégation par le nouveau préfet, ont démontré, avec de très solides arguments, que cette petite musique sonnait faux !
Faux, car les retraité·e·s ont subi en 20 ans un décrochage de 10 % de leurs pensions par rapport aux salaires. Leur perte de pouvoir d’achat dans les 8 dernières années représente plus de 3 mois de pension ; depuis janvier 2017, les pensions n’ont augmenté que de 13,6 % pour une inflation de 19,5 %. Et Michel Barnier prévoyait, avant sa chute, de supprimer l’abattement de 10 % sur les impôts des pensionnés, et de reculer l’indexation (conforme à la loi) des retraites de base sur l’inflation du 1er janvier au 1er juillet... alors que déjà un·e retraité·e sur 10 a un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté et que ce nombre ne cesse d’augmenter !
Faux, car le gouvernement voulait faire des économies sur l’autonomie, augmenter les tarifs des consultations médicales, créer un reste à charge pour les personnes atteintes d’affections de longue durée (très nombreuses parmi les ancien·ne·s) ; il prévoyait aussi un transfert de dépenses de la Sécu aux complémentaires santé, dont les cotisations ne peuvent que s'accroître.
Faux, car les représentants du gouvernement avaient proposé au sein du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) de diminuer les pensions de réversion accordées aux conjoints de personnes décédées. Or plus d’un million de personnes (essentiellement des femmes) vivent uniquement de ces pensions ; sans elles, l’écart moyen de traitement entre hommes et femmes passerait de 28 % à 40 % ! Vous avez dit : « justice » ?
Faux, car — fait inédit — un député, Laurent Wauquiez, annonçait le 11 novembre, à la place du gouvernement (!), que les pensions seraient revalorisées de 0,9 % (soit la moitié de l’inflation "officielle") pour tous les retraités au 1er janvier ; suivrait au 1er juillet un rattrapage pour les petites retraites (ce qui comprend la pension de base et la complémentaire) en deçà du Smic : 44 % de retraités concernés. Tous les syndicats ont dénoncé ce marché de dupes qui aurait pénalisé la totalité des retraité·e·s sur les six premiers mois de l’année et certain·e·s toute l’année, sans espoir de rattrapage les années suivantes ! Marché de dupes...
« Oui, nous dira-t-on, mais les retraités ne sont plus guère utiles à la société ! ». Vraiment ?
- les retraités représentent plus de 52 % de la consommation en France
- ils dépensent solidairement 30 milliards d’€ pour soutenir leurs petits-enfants, enfants, parents !
- près d’un président d’association sur deux est un retraité
- le temps consacré par les retraités à aider autrui est d’1 milliard d’heures par an (France Bénévolat).
Finalement, les travaux du Conseil d’Orientation des Retraites nous montrent qu’après plusieurs décennies d’amélioration du sort des retraité·e·s, les politiques suivies ou envisagées par nos gouvernements à partir de la sinistre réforme Fillon de 2003 ont abouti à de nets reculs, alors même que l’âge de la retraite se décalait inexorablement et que la santé des retraités qui subissaient cette régression en était affectée. Cela veut-il dire qu’il faut laisser la situation en l'état ?
Évidemment non ! Face au vieillissement de la population, il faut anticiper les besoins à venir... Or le fameux "plan pluriannuel pour le grand âge et l’autonomie" promis par nos dirigeants depuis des années n’a jamais vu le jour.
Plus de 80 % des EHPAD publics sont en déficit.
Alors qu’il faudrait recruter 400 000 personnes dans le secteur du grand âge d’ici à 2030, le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (contre lequel s’étaient levés la quasi-totalité des syndicats et fédérations de personnes âgées) ne prévoyait de créer que 6 500 emplois... Ce PLFSS a heureusement coûté Matignon à un certain Michel Barnier, qui se retrouve en retraite aussi brutalement que tardivement : 73 ans !
Notre système social ne souffre pas d’un excédent de dépenses, mais d’un manque de recettes : ne devrait-on pas en trouver dans les exonérations de cotisations sociales du patronat, dans les « niches fiscales » des plus fortunés (si "bien conseillés"), dans les fraudes aux cotisations sociales de certaines entreprises, dans la flat tax qui protège les plus riches ?
Pour les retraités, il ne faut accepter aucune pension au-dessous du SMIC, et exiger une indexation de ces pensions sur le salaire moyen !