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Réforme du RSA : une nouvelle arme anti-pauvres ?

Depuis le 1er janvier 2025, le versement du RSA à tous ses bénéficiaires est conditionné à la réalisation de 15 heures d’activité hebdomadaires. « Un pognon de dingue » (635,70 euros pour un allocataire célibataire) que nos responsables gouvernementaux ne supportent pas de voir distribuer sans imposer aux plus pauvres de nouvelles contraintes dans une prétendue « logique d’activation »  vers  l’emploi...  Certains  s’en  réjouissent  déjà,  convaincus  qu’il  était  temps  d’imposer  des  conditions  à  ces

chômeurs installés dans la marginalité ou le refus de chercher réellement un emploi. Avec 1,83 million de bénéficiaires et 15 milliards d’euros par an (allocation + accompagnement) en 2023, le Revenu de Solidarité Active (RSA) est une des prestations importantes de notre système de redistribution sociale.

15 heures ! Pour quelle activité ?

 

La logique d’activation et de responsabilisation qui soutient officiellement cette réforme peut paraître séduisante, mais elle ne tient pas devant la réalité.

Si la question de l’insertion est évidemment posée et ardemment souhaitée, en premier lieu, par les bénéficiaires, on imagine mal comment l’obligation d’heures d’activité pourrait l’améliorer. Comment réaliser une insertion durable avec un accompagnement de qualité, lorsque les agences de France Travail sont pleines et que le projet de budget 2025 prévoit la suppression de 500 de ses emplois ? La défenseure des droits, Claire Hédon, a vivement critiqué, dès le projet de loi de 2023, cette réforme précipitée, sans moyens conséquents, incapable d’offrir aux allocataires un accompagnement de qualité.

Entre la rédaction d’un C.V., l’accompagnement d’un enfant malade chez le médecin, l’immersion ou le stage en entreprise, le rendez-vous pour un travail, c’est le plus grand flou, sans mesure du temps passé. Dans la phase expérimentale, la majorité des 47 territoires où 42 000 personnes ont été suivies n’ont pas réussi à proposer ces 15 heures.

La plupart du temps, les heures « en autonomie », que l’allocataire  déclare, ont  constitué  l’essentiel  des  heures

Le RSA en quelques chiffres * 

 

•    Le RSA a remplacé le RMI en 2009. Avec 1,83 million de foyers bénéficiaires, ce sont 3,78 millions de personnes (conjoints et enfants) qui sont couvertes par ce dispositif pour un coût total de 15 milliards d’euros en 2024.

•    Le RSA est une allocation différentielle qui complète les ressources initiales du foyer pour qu’elles atteignent le seuil d’un revenu garanti. Au 1er avril 2024, le montant mensuel forfaitaire pour une personne seule et sans enfant est de 635,71 €, de 953,57 € pour un couple sans enfant, 1088,44 € pour une personne seule avec un enfant.

•    Le RSA s’adresse aux personnes âgées d’au moins 25 ans ou assumant la charge d’au moins un enfant né ou à naître, qui résident en France. Il est versé par les caisses d’allocations familiales (CAF) et de la Mutualité sociale agricole (MSA)

•    Plus de la moitié des foyers allocataires sont des personnes seules et sans enfant, et un tiers des familles monoparentales. 

•    Près des deux tiers sont dans le RSA depuis plus de 2 ans et 45 % ont moins de 40 ans

*  Voir aussi : Drees - Le revenu de solidarité active.pdf

effectuées. Les heures utiles et efficaces pour l’insertion sont très réduites, et le retour à l’emploi « stable » (supérieur à 6 mois) ne représente que 17 %, alors que cette expérimentation s’est accompagnée de moyens importants que l’on ne retrouvera pas pour le dispositif généralisé : 160 millions d'€ prévus dans le projet de budget, alors que le Secours Catholique estime les besoins à 1,8 milliard d'€ pour un accompagnement de qualité !

Malgré le discours officiel qui se veut rassurant sur le principe que tout travail doit être rémunéré, il est à craindre que nombre d’entreprises y voient un effet d’aubaine en multipliant les « immersions » et « stages » en entreprises... peu ou pas rémunérés.

Et quels contrôles effectuer ? Le travail, les stages, les rendez-vous chez le médecin, l’accompagnement des enfants à l’école ? Jusqu’où le contrôle peut-il être intrusif ? Faudra-t-il justifier d'un rendez-vous à l’hôpital ou avec la maitresse d’école ?

 

« Une loi qui génère de la peur, de l’angoisse de tout perdre »

Le préambule de la constitution de 1946 fait obligation à l’État de garantir aux plus vulnérables des moyens convenables d’existence. Or, avec cette loi de 2023, non seulement le RSA ne constitue pas un moyen convenable d’existence, mais il induit des pressions et des contraintes supplémentaires.

Le contrat d’engagement que signe chaque allocataire contient des questions inacceptables : « Comment levez-vous vos frais financiers ? vos problèmes de mobilité ? vos contraintes familiales ? ». L’orientation vers un organisme d’accompagnement se fait par algorithme sur la base des infos données par les allocataires...

« On nous enlève encore de notre dignité ». L’obligation des 15 heures et la peur des sanctions génèrent beaucoup d’inquiétude. Les sanctions, qui peuvent aller jusqu’à la suppression totale de l’allocation, se sont révélées arbitraires dans le cadre de l’expérimentation : aucune sanction dans l’agglomération lyonnaise (écologiste), mais plus de 2 500 dans le département du Nord (droite). Quand on sait que plus de 80 % des allocataires (Secours Catholique) vivent en dessous du seuil de très grande pauvreté (< 811 €), comment peut-on, par des sanctions, priver une personne de ses besoins élémentaires, et donc de son reste à vivre ?

Avec cette obsession du chiffre de retour à l’emploi, n’importe quel emploi, n’importe comment, sous peine de sanctions, le risque est grand d’enfermer des millions de personnes encore plus dans la pauvreté et la désespérance vis-à-vis d’un service public qui semble, à travers cette loi, perdre la boussole... Selon le Secours catholique (rapport de novembre 2024), 36 % des personnes éligibles ne demandent pas le RSA, soit + 10,8 % en 10 ans.

 

Inverser les responsabilités

Au lieu de culpabiliser les allocataires du RSA en appuyant sur la responsabilité individuelle et en accentuant les pressions insupportables sur les plus pauvres, c’est bien la responsabilité d’une société et d’un État incapable d’offrir un emploi ou un accompagnement de qualité pour y accéder qu’il faut mettre en cause. La responsabilité est inversée, alors qu’on devrait plutôt s’interroger sur les échecs de notre société et des politiques mises en oeuvre.

Les organismes de solidarité et la Défenseure des droits dénoncent le caractère précipité et délétère de cette réforme dont la généralisation relève davantage de l’acharnement que du progrès. ATD quart monde, le Secours Catholique et Aequitaz, signataires d’un premier bilan de la phase expérimentale, demandent au gouvernement de :

1 - suspendre la généralisation de la réforme du RSA prévue au 1er janvier 2025, en particulier l’obligation des heures d’activité et le décret sur les sanctions

2 -  tenir compte de nos alertes en organisant les moyens d’une réelle évaluation et concertation

3 - tenir la promesse d’un soutien renforcé aux plus précaires par la dotation de véritables moyens supplémentaires aux politiques de lutte contre la pauvreté à l’occasion du projet de loi de finances pour 2025.

 

Lire aussi :

Premier bilan des expérimentations RSA - ATD Quart Monde - France

Le revenu de solidarité active (RSA) - Cour des comptes

La réforme du RSA entre en vigueur et inquiète les syndicats et associations - L'Humanité

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