
Fusillade rue Ronde : chronique d’une intensification contre-productive annoncée !
L’expression de l’émotion — et d’une certaine peur compréhensible — ne s’est pas fait attendre à la suite de la nouvelle fusillade qui s’est déroulée rue Ronde, à Quetigny, le dimanche soir 21 septembre.
D’autres sons de cloches sont plus agacés qu’effrayés, tel celui d'un anonyme dans un papier du quotidien régional Le Bien Public (voir ci-dessous le lien)…
​
Ce fait divers, qui énerve ou effraie selon les cas, est en réalité bien plus que ça, car il pose en creux des questions largement plus importantes que les bavardages de type « brèves de comptoir » !
La double question fondamentale est celle de la politique française en matière de produits dits stupéfiants, et de ses deux "volets" pris en compte, particulièrement chez nous en France, de façon antagoniste... donc, par définition, contradictoires et contre- productifs. Réprimer, toujours plus réprimer, consommateurs compris, avec des résultats évidemment catastrophiques, et ne cesser de laisser les personnes consommatrices livrées de plus en plus à elles-mêmes, sur-stigmatisées et non accompagnées. Échecs cuisants en termes de tranquillité publique et de santé publique !
Que sera la prochaine intervention locale des brigades mi-robocop mi-mercenaires d’État ? Peut-être aurons-nous droit aux fameux nouveaux « Centaure » de la gendarmerie ? (voir le lien ci-dessous)... Et puis après ? s’ils défoncent par devant un immeuble et si les personnes poursuivies s’échappent par derrière à pied, avec l’agilité que nous leur connaissons bien, à quoi cela aboutira-t-il, si ce n’est à hystériser la problématique, à communiquer à tort et à travers, à souvent effrayer non pas les individus recherchés mais bien plutôt les populations ?
​
Cette débauche « retaillesque » plait aux tenants de l’ordre, toujours l’ordre, davantage d’ordre... mais en réalité crée le désordre dans les esprits des autres autant qu'il règne déjà dans les leurs !
La politique de communication et d’éclats à travers les interventions tonitruantes de la B.R.I. ont encore abouti récemment à Dijon à une bavure notoire : la police a visé à tort un appartement « Airbnb » où était une personne n’ayant strictement rien à voir avec un quelconque trafic de quoi que ce soit. On imagine aisément le traumatisme pour celle-ci et pour le voisinage... Voir, en lien, le papier de 20 Minutes à ce sujet.
​
Nous sommes déjà intervenus à plusieurs reprises sur la question qui touche à notre vivre ensemble. Le point de départ, crucial nous semble-t-il, est bel et bien de celui de la vie suragitée que le monde nous réserve, de la course effrénée à la performance, à la vitesse, à la productivité. Il n’est pas ici question de faire l’éloge de la régression, mais seulement d’accepter de poser la question de "laisser du temps au temps", de nous adapter aux changements de façon raisonnée et raisonnable ; il est évident que ce n’est pas le cas : cet enchevêtrement de courses croisées dépasse la capacité moyenne de nos organismes... Il est donc naturel que nombre d’entre nous cherchent des échappatoires pour tenter de rester dans nos parcours multiples. Ce point de départ n’est jamais évoqué, car il nécessite de poser sereinement le vrai débat : quelle société voulons- nous ?
​
Une fois cette question plutôt philosophique — à laquelle nous ne répondrons pas aujourd'hui dans ce papier —, il nous faut revenir aux éléments qui entrent en jeu.
La répression ne fonctionne pas.
La prohibition ne fonctionne pas.
Le traitement des différentes addictions est très déséquilibré, et même certaines sont reconnues, non pas "d’utilité publique" mais presque... tels l’alcool et le tabac, qui font assurément bien plus de morts que celles, surmédiatisées, des drogues. Rappelons juste les chiffres officiels : en 2019 (dernière année consolidée), le tabac a tué 79 189 personnes, l’alcool 41 080, et les drogues illégales 1 230. Le tabac coûte par an à la société 156 milliards d’euros, l’alcool 102 milliards (chiffres de l'Observatoire français des drogues et tendances addictives, en liens ci-dessous).
Les morts "alcool et tabac" représentent presque 100 fois ceux des drogues illégales (97,8 fois). En termes de coûts, nous n’avons pas les chiffres, car le ministère de l’Intérieur se garde bien de porter à la connaissance du public la démesure de la gabegie de moyens déployée pour répondre à une obsession dogmatique et populiste !
Notre sacro-sainte Loi de 1970 « relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses » apparait aujourd’hui (50 ans après sa promulgation) comme une ineptie qui fait de notre pays la risée de tous ceux qui ont évolué de façon efficace autour de nous (voir ci-dessous le lien vers ce texte d’un autre âge).
Il semble que nous soyons le dernier pays d’Europe en totale incapacité d'aborder de façon dépassionnée le sujet, et surtout d'en avoir une approche où prime la Santé Publique. Une grande partie des forces de l’ordre assignées politiquement à l'application de cette loi insensée disent elles-mêmes leur désarroi de se voir obligées de gaspiller leurs efforts en ce sens, et heureusement n’appliquent pas à la lettre ces folles et inefficaces directives.
​
Les exemples de pays ayant changé leurs politiques sont de plus en plus nombreux et, maintenant avec du recul, démontrent que suivre le chemin des dépénalisations et/ou légalisations est largement plus efficace dans des domaines multiples : santé publique, criminalité, tranquillité, et même rentrées fiscales (en la matière, il ne nous aura pas échappé que nous sommes plutôt aux abois !).
Le pays souvent cité est le Portugal qui fait cette démarche depuis plus de 20 ans maintenant, et dont les résultats sont notoires, seulement assombris par des fluctuations en termes d’allocations budgétaires qui réduisent la portée très positive de cette politique quand elles sont contraintes. L’étude présentée par Alternatives Economiques en juillet 2024 est à ce sujet particulièrement significative. Celles et ceux qui désirent aller plus loin pourront se reporter à celle-ci en suivant le lien dans les références ci-dessous.
Localement, cela amène à militer, — là encore, ce sera de la redite, mais utile — pour un meilleur équilibre entre la répression et l’accompagnement ; revenir vers plus de police de proximité, des animateurs de quartiers et de rue plutôt que des myriades de caméras ; des espaces de discussion et d’échanges entre les générations. Ces éléments sont simples, basiques, mais efficaces pour peu qu’on veuille les activer et leur laisser le temps de s’amplifier.
​
Pour terminer, une expérience menée et soutenue financièrement par l’État à travers la Préfecture de la Côte d’Or a permis à un groupe de jeunes quetignois·es de l’Espace municipal Pierre Desproges de remporter, avec un film sur les dangers liés aux drogues, le premier prix d’un concours de courts métrages. La soirée de remise des prix et de présentations des films s’est déroulée au cinéma Cap Vert le 2 septembre dernier. On aimerait que ce type d’initiatives soit plus portées par les médias et les élu·e·s, et surtout de façon plus équilibrée avec les opérations policières.
​
« Le consumérisme est l’addiction aux produits inutiles, à valeur illusoire ou imaginaire, parfois toxiques ». Edgar Morin.
Pour aller plus loin, quelques références :
​
« Les mecs ont dû se faire courser et coincer ici » : fusillade rue Ronde, un suspect blessé par la police et trois interpellations,
Le Bien Public, dimanche 21 septembre 2025 : https://www.bienpublic.com/faits-divers-justice/2025/09/21/les-mecs-ont-du-se-faire-courser-et-coincer-ici-fusillade-rue-ronde-un-suspect-blesse-par-la-police-et-trois-interpellations
​
Centaure : un nouveau blindé pour la protection de la population, site du Ministère de l’Intérieur
​
Dijon : La BRI enfonce la porte d’un Airbnb par erreur en plein centre-ville, 20 Minutes, 25 septembre 2025 :
Légifrance lien Loi de 1970 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000321402
​
Le tabac et l'alcool coûtent à la société bien plus cher que les taxes qu'ils rapportent, selon une étude, France Inter 2 août 2023 :
Dépénalisation des drogues au Portugal : le bilan vingt ans après, Alternatives Economiques, juillet 2024 :
​
Quand la jeunesse pose son regard sur la consommation et les trafics de drogues, Le Bien Public, édition du 4 septembre 2025 : https://www.bienpublic.com/culture-loisirs/2025/09/04/quand-la-jeunesse-pose-son-regard-sur-la-consommation-et-les-trafics-de-drogues
​
​
​
​
​
Je souhaite m'inscrire ou inscrire un·e ami·e à cette lettre
​
​


