
En Ukraine, d’immenses dégâts écologiques dus à la guerre
Depuis l’invasion de l’Ukraine par les armées de Poutine en février 2022, le conflit a non seulement provoqué un nombre tragique de pertes humaines et de destructions matérielles, mais il a également entraîné de nombreux écocides.
Selon un rapport publié par la coalition d’experts de l’ IGGAW (Initiative sur les comptes de gaz à effet de serre de la guerre), le bilan carbone de l’invasion russe au cours des trois premières années de guerre a désormais atteint près de 230 millions de tonnes équivalent CO2 (Mt CO2e), soit l'équivalent des émissions annuelles combinées de l’Autriche, de la Hongrie, de la République tchèque et de la Slovaquie. À titre de comparaison, la France a émis en 2024 environ 369 millions de tonnes équivalent CO2e de gaz à effet de serre.
Activités militaires : principale source de pollution
Avec plus de 80 000 Mt CO2e au cours des trois premières années de guerre, les activités militaires ont été la principale source de pollution, sous des formes variées : déversements de substances toxiques, marées noires, contamination des sols et des eaux. L'Ukraine, territoire couvert d'espaces sauvages et préservés, abritait l'équivalent de 35 % de l'ensemble de la diversité biologique de l'Union Européenne (Journal officiel de l'U.E.). Après plus de trois ans de guerre, environ 30 % du territoire ukrainien était contaminé par des mines terrestres et des munitions non explosées, génératrices d’accidents dévastateurs pour les écosystèmes locaux et pour les populations civiles. Les mines dispersées sur environ 100 000 km², soit près de 17 % de la surface du pays, polluent les sols et les eaux. Mines et missiles sont remplis de métaux lourds qui pénètrent les sols de façon durable. Des régions entières comme celle de Kharkiv sont contaminées par des produits cancérigènes. Les écosystèmes sont dégradés ou détruits, compromettant la survie de nombreuses espèces.
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20 % des forêts ont brûlé
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Selon un collectif de chercheurs de l’IGGAW, les incendies de forêts ont considérablement aggravé la situation. En 2024, 92 000 hectares ont été détruits, marquant une hausse alarmante par rapport aux 29 000 hectares en 2023 et 47 000 hectares en 2022. Pourquoi cette augmentation ? À cause d’une sécheresse inhabituelle, qui a favorisé les départs de feux, que les pompiers, trop exposés aux tirs ennemis, ne pouvaient prendre le risque d’éteindre. Les feux ont des conséquences durables sur le climat et la santé publique. Les populations locales subissent les conséquences des fumées toxiques. Des zones entières sont devenues des quasi-déserts, et la végétation, carbonisée, peine à se régénérer pour rétablir l’équilibre écologique.
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La reconstruction des infrastructures entraîne une empreinte carbone importante (plus de 60 millions de tonnes d’équivalent CO2e), notamment du fait de l’emploi massif de matériaux tels que l’acier et le béton, d’autant qu’elle doit se faire dans l’urgence, souvent au détriment des normes écologiques.
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Certains chercheurs ont aussi examiné les répercussions, qu’il ne faut pas sous-estimer, sur le trafic aérien. Pour éviter l’espace aérien russe, les avions ont dû modifier leurs itinéraires, depuis le début de la guerre. Ainsi les liaisons entre l’Europe et l’Asie ont entraîné une augmentation de leur consommation de carburant de près de 15 %.
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5 000 incidents et crimes environnementaux
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Les autorités ukrainiennes estiment que 5 000 incidents et crimes environnementaux ont été enregistrés, illustrant la gravité des atteintes à la nature. La destruction du réservoir de Kakhovka en 2023 a détruit une population entière de poissons, des inondations ont recouvert plus de 60 000 ha de terres — le plus souvent cultivables — et entraîné la mort de plusieurs espèces ou provoqué la migration d’autres. Plusieurs milliers d’habitants ont dû fuir les inondations pour devoir ensuite affronter les sécheresses, sans système d’irrigation.
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L’Ukraine réclame 44 milliards d'€ de dommages environnementaux
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Les experts de l’IGGAW ont également estimé le coût des dommages environnementaux causés par le conflit. En prenant en compte le prix de la tonne de carbone émise sur les marchés, ils parviennent à un montant total de 42 milliards de dollars, à ajouter au coût de la destruction engendrée par ce conflit depuis trois ans : « 2024 a été l’année où le climat et le conflit se sont combinés, entraînant des étendues de forêts brûlées dépassant tout ce que nous avons vu auparavant en Ukraine, et en Europe cette année. Avec des négociations pour la paix aujourd'hui dans l’air, les coûts climatiques ne devraient pas être oubliés. La Russie a commencé cette guerre et devrait assumer le coût de ses émissions affectant le climat. »
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Lors de la COP 30 qui vient de se terminer à Belém, au Brésil, l’Ukraine a réclamé une compensation de 44 Mds d’euros auprès d’un mécanisme créé au sein du Conseil de l’Europe pour les dommages environnementaux causés par l’agression russe. Le conflit russo-ukrainien a ainsi fait irruption dans les négociations climatiques internationales, manière de rappeler que le droit international, incapable de se faire respecter par les plus hautes instances de l‘O.N.U., réoccupe — sur un autre plan — le devant de la scène mondiale.
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​Pour en savoir plus :
Impact écologique des trois années de conflit en Ukraine : un bilan alarmant
Dommages collatéraux : le coût environnemental de la guerre en Ukraine - Yale E360
IAGGAWLENNARDNNARD-DE-KLERK-BIO-FR.pdf
La cause du climat victime de la guerre en Ukraine | France Inter


