À propos des vendanges :
le "village de la honte"
Traditionnellement, les vendanges, malgré la dureté du travail, sont considérées comme un événement important et fêté sur la côte bourguignonne comme un sympathique moment de convivialité et de solidarité.
Malheureusement, cette année, de grosses difficultés d'hébergement sont apparues en Côte d'Or pour une partie des 25 à 28 mille saisonniers venus, parfois de très loin, pour récolter le raisin. En effet, une réglementation récente, qui a pour but louable de donner des conditions d'hébergement décentes aux saisonniers, fait que beaucoup d'employeurs ne sont plus en mesure de loger leurs ouvriers et ne peuvent même plus les accueillir sous tente sur leurs terrains. Ainsi, l'année dernière, beaucoup venaient avec leur matériel de camping, voire leur fourgon, et s'installaient sur des terrains privés ou publics avec l'accord des propriétaires et des maires dans des conditions extrêmement précaires et indignes, qui n'ont pas été sans poser des difficultés dans certains endroits.
Cette année, la préfecture a émis un arrêté prohibant le camping pour les saisonniers et le fait appliquer, fidèle à sa rigueur répressive, avec des drones et des gendarmes. Interdire des conditions de logement précaires est tout à fait respectable, mais il faut trouver des solutions qui soient meilleures.
Or, si on en croit Dijoncter.info, « des domaines délèguent à des prestataires de service l’embauche d’équipes véhiculées par trentaines dans des Flixbus immatriculés en Pologne et Bulgarie et dans la soute desquels sont improvisées des couchettes de fortune ». Ailleurs, à Morey-Saint-Denis, une autre « solution » a été inventée : la création d'un village éphémère, à titre expérimental, sur un terrain privé.
La CAVB (Confédération des Appellations et des Vins de Bourgogne), avec les maires de Chambolle-Musigny, Gevrey-Chambertin et Morey-Saint-Denis et avec la préfecture, ont signé une convention où l'État finance 80 % des coûts (23 424 €) pour mettre en place ce village éphémère.
Celui-ci consiste à laisser s'installer dans des tentes environ 75 personnes, dans un pré, encore garni du crottin des chevaux qui y ont pâturé, entouré par des clôtures encore électrifiées par endroits, gardé par un vigile, et où sont installé des sanitaires et un coin restauration. Le tout pour une somme de 8 € la nuit, parfois prise en charge par les employeurs. Il faut signaler que les sanitaires ne sont ouverts qu'à partir de 17 h et sont fermés la nuit. L'eau qui les alimente, amenée par un camion citerne, n'est pas potable. Des bouteilles d'eau sont disponibles sur le "village".
Certains vendangeurs l'appellent "le village de la honte". En effet, on ne peut pas dire que le confort soit amélioré par rapport aux conditions antérieures ; sa localisation oblige les vendangeurs à utiliser un véhicule pour aller au travail et en revenir ; cela ressemble plus à un camp qu'à un village. Mais, d'après la presse locale, les inventeurs de cette solution espèrent la développer l'année prochaine... On peut pour le moins s'étonner que ce soit la puissance publique qui finance ce qui devrait revenir aux employeurs. Les domaines (dont certains, à Morey justement, appartiennent à Bernard Arnaud et François Pinault) devraient pouvoir mettre leurs installations aux normes ou trouver des solutions pour loger dignement leurs saisonniers, ils en ont les moyens !
Ces conditions de logement indignes ont entraîné un début de mobilisation, avec distribution de tracts (dont certains en anglais) et collage d'affiches, qui a été relayée par le syndicat Solidaires 21, mais sans déboucher sur des actions concrètes.
https://dijon-actualites.fr/2023/09/15/vendanges-le-village-de-la-honte-pour-de-nombreux-vendangeurs/?utm_source=pocket_saves