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Un sondage très important pour comprendre la société israélienne

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La majorité des Juifs israéliens souhaite l'expulsion des Palestiniens de Gaza, mais aussi celle… des Palestiniens d'Israël.

 

Alors que les médias occidentaux, ainsi que certaines personnalités proches de la gauche sioniste, s’efforcent de dessiner le portrait d’une société juive israélienne démocratique et pacifiste, affirmant que la majorité des Israéliens ne souhaitent que la paix et la démocratie, et rejetant la responsabilité de la guerre sur le gouvernement d’extrême droite qui serait déconnecté du peuple, un sondage récent commandé par une université américaine révèle une tout autre réalité. 

 

Ce sondage, réalisé en hébreu et présenté dans le journal Haaretz le 22 mai dernier — repris et commenté par le chercheur Thomas Vescovi — a été conduit par deux chercheurs israéliens, Tamir Sorek et Shay Hazkani. 

 

L’un d’eux a interrogé un échantillon de 1 005 Juifs israéliens, répartis selon quatre affiliations religieuses : 

- les laïcs, 

- les massortim (traditionnels), qui se situent entre la laïcité et la religion, observant certains lois et rites juifs non par foi, mais par attachement à une tradition familiale devenue aussi un marqueur d’identité nationale, 

- les religieux, 

- les ultra-orthodoxes.

Les premières questions du sondage portent sur ce que pensent les Juifs israéliens de l’avenir des Palestiniens de Gaza et confirment ce que révélaient déjà des enquêtes précédentes : 82 % estiment que les Palestiniens doivent être expulsés de la bande de Gaza. 

Dans le détail : 

- 70 % des laïcs, 

- 91 % des massortim, 

- 90 % des religieux, 

- 97 % des ultra-orthodoxes    partagent cette opinion.

Parmi les électeurs de la coalition gouvernementale, composée de partis de droite et d’extrême droite, le taux d’approbation atteignait 90 %.  

Du côté de l’opposition, les résultats étaient tout aussi explicites : 58 % des électeurs se déclaraient également favorables à l’expulsion des Palestiniens de Gaza. 

 

L'enquête de Sorek et Hazkani révèle aussi que, malgré des différences dans leur rapport à la religion juive, une grande partie des personnes interrogées interprètent ce qu’elles perçoivent comme une guerre en des termes bibliques

 

Ainsi, 47 % d’entre elles considèrent légitime l’idée suivante : lorsqu’elle conquiert une ville ennemie, l’armée israélienne devrait agir comme les Israélites lors de la prise de Jéricho sous la direction de Josué, c’est-à-dire en tuant tous ses habitants. C’est une position partagée par 31 % des répondants laïcs. 

 

Par ailleurs, 65 % estiment qu’il existe aujourd’hui une incarnation contemporaine d’Amalek, figure biblique de l’ennemi archétypal d’Israël, associée dans la tradition juive à une menace existentielle devant être éliminée sans compromis. 

 

Parmi eux, 93 % jugent encore pertinent le commandement d’« effacer la mémoire d’Amalek » face à cette incarnation moderne. 

 

Les deux auteurs soulignent un fait majeur : 

 

Parmi les hommes de moins de 40 ans — soit le principal groupe de réservistes actuellement mobilisé à Gaza — seuls 9 % rejettent les idées d’expulsion et de massacre qui leur ont été soumises dans le cadre du sondage.

 

Mais ce sondage ne se limite pas à révéler les positions des Juifs israéliens sur les Palestiniens de Gaza. 

 

Il va plus loin, en posant ce que ses auteurs qualifient de « questions impolies », rarement abordées dans les enquêtes d’opinion menées en Israël. L’une d’elles concerne les Palestiniens citoyens d’Israël : 1,7 million de personnes descendantes des 150 000 Palestiniens qui, en 1948, ont réussi à rester sur leurs terres après les expulsions massives de la Nakba. Bien qu’ayant obtenu la citoyenneté israélienne, ces citoyens ont vécu pendant dix-huit ans sous administration militaire, puis sous un régime se voulant démocratique, mais où, malgré des droits politiques formels, ils sont distingués par la loi en matière foncière, de statut civil, et dans d’autres domaines.

 

À la question de savoir s’ils soutenaient l’expulsion forcée des Palestiniens citoyens d’Israël : 

- 38 % des Juifs israéliens séculiers ont répondu favorablement, 

- 65 % des massortim, 

- 68 % des religieux, 

- 91 % des ultra-orthodoxes. 

 

Fait tout aussi significatif : parmi les répondants de moins de 40 ans, toutes tendances religieuses confondues, 66 % se disent également favorables à une telle expulsion.

 

Ces chiffres sont particulièrement révélateurs, surtout lorsqu’on se souvient que les soutiens étrangers d’Israël insistent souvent sur le statut égalitaire des Palestiniens citoyens de l’État pour défendre le caractère démocratique du régime. 

 

Non seulement ces discours ignorent les nombreuses distinctions légales entre Juifs — citoyens de première zone — et Palestiniens — citoyens de seconde zone —, mais ils passent également sous silence cette réalité mise en lumière par le sondage : une part importante de la population juive israélienne ne considère pas les Palestiniens citoyens comme des égaux, ni même comme de « vrais » Israéliens — et, plus encore, souhaite leur expulsion.

 

Il faut rappeler que les sondages sont des outils dont la fiabilité peut être questionnée, car leurs résultats dépendent de nombreux facteurs : la formulation des questions, le profil des personnes interrogées, le contexte, etc. 

La marge d’erreur de ce sondage atteste par ailleurs de sa fiabilité. Pour les questions concernant toutes les catégories de sondés, cette marge est de 3,1 %, ce qui est valable scientifiquement.

Enfin, plusieurs autres recherches et sondages permettent d’appuyer la validité de ces données, qu’il s’agisse d’enquêtes sur le racisme quotidien envers les Palestiniens citoyens d’Israël, ou le soutien consensuel de la société israélienne au « plan Trump ».

 

Cette étude est très importante pour celles et ceux qui sont solidaires de la cause palestinienne. Nous rencontrons en effet souvent des sionistes  « de gauche »  qui expliquent que ce qui se passe actuellement à Gaza et en Cisjordanie serait un regrettable accident de l'Histoire lié aux dérives vers l'extrême droite de Nétanyahou. Et qu’il suffirait donc de s’en débarrasser pour que la paix advienne dans « la seule démocratie du Moyen Orient ».

 

Il y a une quinzaine d'années que Michel Warschawski a commencé à parler de "fascisation" de la société israélienne. À l’évidence, il n’y a quasiment plus de gauche juive en Israël de nos jours. Si elle a disparu, ce n’est pas du fait ses erreurs politiques ; elle a disparu tout simplement parce que le sionisme dont elle se réclame est une idéologie de nature fondamentalement coloniale et raciste, incompatible avec les véritables valeurs de la gauche : l'universalisme, l'égalité des droits, l'internationalisme. C'est donc bien le sionisme, incarné dans l'État d'Israël, qu'il convient de questionner, c’est à dire  la légitimité même d'un État à souveraineté juive en Palestine.

 

Pour la première fois sont en passe d'être reconnues à une échelle de masse la Nakba et la nature coloniale de l’État juif, et par conséquent la nécessité d’ouvrir le débat sur le principe même d'un État à souveraineté ethno-religieuse exclusive en Palestine avec les implications réelles du droit au retour des réfugiés palestiniens. 

C'est la raison pour laquelle l'antisionisme subit des attaques frontales sévères, allant des velléités de  son interdiction légale à sa disqualification morale par l'accusation absurde d'antisémitisme. 

La lutte contre l'antisémitisme ne passe certainement pas par la défense de l'État colonial israélien, impasse tragique qui met les Juifs et Juives elles·eux-mêmes en danger.

Contrairement à ce que prétendent les sionistes « de gauche », il faut jeter le bébé du sionisme et l’idée d’un État juif avec l'eau du bain de ses gouvernements du centre, de gauche et d’extrême droite.

Il ne faut plus d'État juif, il faut un État laïque de tous ses citoyens.

 

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